Le paysage assurantiel européen est en pleine mutation depuis quelques années. Solvabilité 2 a accéléré ce processus pour entrer en vigueur en France le 1er janvier 2016 et instituer de nouvelles règles.
Point sur le nouveau régime prudentiel des acteurs du secteur de l'assurance.
Intérêt de la directive Solvabilité 2
Les entreprises d'assurance doivent respecter des règles dites « prudentielles » qui les obligent à calibrer le niveau de leur fonds propres en considération des risques auxquels elles s'exposent. La réglementation sur laquelle était basée la France a été modifiée en profondeur avec la Directive européenne 2009/138/CE du 25/11/2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice.
La solvabilité des assureurs
La solvabilité d'un assureur est sa capacité à respecter les engagements qu'il prend à l'égard de ses clients (garanties…) et des ressources dont il dispose pour y faire face (fonds propres, investissements…).
Afin de garantir leur solvabilité, les sociétés d'assurances doivent disposer :
- de réserves couvrant l'intégralité des engagements souscrits vis-à-vis des assurés ;
- de fonds propres suffisants pour faire face à des événements imprévus pouvant impacter le respect de leurs engagements (actions, obligations, immobilier) dans lesquels elles investissent les fonds confiés par les assurés et dont la valeur doit être importante et le risque mesuré.
Bon à savoir : l'insolvabilité d'une entreprise d'assurance est donc un risque financier majeur qu'il convient de maîtriser.
Signification de la réforme Solvabilité 2
Elle repose sur une Directive cadre de 2009 qui modifie les règles européennes garantissant la solvabilité des entreprises d'assurances. Les assureurs et réassureurs doivent adapter le niveau de leurs capitaux propres aux risques inhérents à leurs activités.
Il s'agit donc du nouveau régime prudentiel imposé à :
- toutes les sociétés du secteur de l'assurance et de la réassurance régies par le Code des assurances ;
- les mutuelles régies par le Code de la mutualité ;
- les institutions de prévoyance régies par le Code de la Sécurité sociale.
Le contexte de Solvabilité 2
Solvabilité 2 s'inscrit dans un contexte plus global de réforme pour les acteurs financiers, et notamment les banques, des règles de détermination de la marge de solvabilité en fonction des risques encourus.
Bon à savoir : la précédente directive d'harmonisation des règles de solvabilité dans les assurances, Solvabilité 1, adoptée dans les années 1970, n'intégrait pas cette prise en compte des risques économiques inhérents à l'activité.
La Directive Solvabilité 2 renforce les exigences de Solvabilité 1 et modifie en profondeur la réglementation.
Les objectifs de Solvabilité 2
Solvabilité 2 poursuit des objectifsambitieux qui pour certains existaient déjà dans Solvabilité 1 mais dont le but a été de les renforcer.
Parmi ces objectifs on peut citer :
- la prise en compte des risques inhérents à l'activité de l'assureur ;
- le renforcement des exigences en matière de gouvernance pour s'assurer que les entreprises d'assurance organisent bien leur gestion des risques ;
- des exigences de fonds propres plus élevées et proportionnées au risque des actifs et passifs détenus par les assureurs ;
- la notion de groupe prudentiel mieux contrôlée, plus réglementée ;
- une meilleure compétitivité au niveau international ;
- le renforcement d'un marché unique européen de l'assurance ;
- une amélioration de la protection des assurés et de leurs ayants droit.
Bon à savoir : le marché unique de l'Union européenne des biens, des services et des capitaux requiert de rapprocher les réglementations nationales. Solvabilité 2 permet cette harmonisation sur les normes de solvabilité des assurances.
Solvabilité 2 a été conçue pour reposer sur des principes plutôt que sur des règles.
Elle instaure :
- une concurrence équitable ;
- l’harmonisation des principes et des pratiques de contrôle ;
- la mise en place d’un reporting européen unifié ;
- des normes prudentielles tenant compte de l’ensemble des risques.
Solvabilité 2 : de nouvelles règles transposées dans le régime français
La Directive européenne Solvabilité 2 de 2009 requiert des pays membres son intégration dans la législation nationale de chaque pays. L'ordonnance n°2015 du 2 avril 2015 transposant cette Directive en droit français est effective depuis le 1er janvier 2016.
De nouvelles règles prudentielles
Le régime prudentiel français est profondément modifié par l'application de nouvelles normes répondant aux objectifs de Solvabilité 2.
Transposition dans le droit français
Cette transposition des nouvelles normes européennes concerne l'ensemble des trois familles de l'assurance : entreprises d'assurances, mutuelles et les institutions de prévoyance.
Le livre 3 du Code des assurances devient le code « pivot » et a été révisé afin d'intégrer les règles prudentielles applicables à tous les acteurs de l'assurance. En revanche, les règles de gouvernance resteront propres à chacun des trois codes :
- Code des assurances ;
- Code de la mutualité ;
- Code de la Sécurité sociale.
Les trois piliers de solvabilité 2
Exigences quantitatives en matière de fonds propres et de provisions techniques
Pour les fonds propres les niveaux réglementaires sont définis, à savoir :
- le minimum de capital requis (M.C.R) qui correspond au minimum absolu de marge de solvabilité permettant de garantir les intérêts des clients. Si l'entreprise d'assurance se trouve en dessous de ce seuil, cela déclenche l'intervention de l'Autorité de Contrôle qui peut décider d'un retrait d'agrément ;
À noter : l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) est une autorité administrative indépendante qui surveille l'activité des banques et des assurances en France.
- le capital de solvabilité requis (S.C.R) est un élément nouveau de solvabilité 2. Il s'agit du niveau de capital ou de fonds propres nécessaire pour que l'entreprise d'assurance ou de réassurance absorbe un risque majeur. Ce capital incorpore tous les risques liés à l'activité de la société d'assurance (risque de crédit, risque de liquidité, risque de souscription…).
À noter : la Directive laisse une plus grande liberté d’appréciation aux organismes d’assurance en ce qui concerne l’évaluation des provisions techniques, le calcul des exigences de capital et la politique de placement.
Le processus de contrôle prudentiel
Il s'agit de vérifier que la société d'assurance est bien gérée et peut calculer et maîtriser ses risques. Elle doit être aussi bien capitalisée.
Dans Solvabilité 2, l'idée centrale est que la société d'assurance doit savoir se contrôler elle-même et savoir apprécier ses risques. Les Autorités de contrôle supervisent ensuite la qualité de ce contrôle interne : la gouvernance de la société, la gestion financière, la gestion des procédures…
La discipline de marché
Ce dernier pilier concerne l'information publique qui doit venir renforcer la discipline de marché. La publication d'informations clés de l'entreprise d'assurance (performance financière…) permet d'apprécier la qualité de l'analyse effectuée et si celle-ci est conforme à la réalité. L'objectif de Solvabilité 2 est une meilleure coordination et harmonisation des informations diffusées dans les États membres.
Le groupe prudentiel : une notion clé
En ce qui concerne les groupes d'organismes d'assurance ou de réassurance, Solvabilité 2 prolonge Solvabilité 1 en renforçant le niveau d'exigences.
La notion de groupe prudentiel sous Solvabilité 2 est définie à l'article 212 de la Directive de 2009 et transposée dans le droit français.
Ce groupe d'entreprises peut s'identifier notamment par :
- des liens capitalistiques ou des dirigeants communs ;
- des liens de solidarité financière avec une coordination centralisée des pouvoirs de décision financière et un contrôle ad hoc de l'ACPR (autorité de contrôle) ;
- une influence dominante.
Bon à savoir : il faut donc une gouvernance centralisée, une stratégie commune et une cohésion dans la gestion des risques. Le choix d'entrer dans un groupe prudentiel n'est donc pas sans incidences juridiques, organisationnelles…
Il y a une segmentation entre les groupes prudentiels et les groupes non prudentiels.
Exemple : les SGA (sociétés de groupe d'assurances) constituent un groupe prudentiel alors que les GAM (groupe d'assurance mutuel) non.
Solvabilité 2 a conduit à créer des structures juridiques nouvelles telles que les SGAPS (sociétés de groupe d’assurance de protection sociale).
Quels changements avec Solvabilité 2 ?
Voici quelques exemples des changements apportés par la Directive européenne :
- les exigences quantitatives du pilier 1 de Solvabilité 2 s'appliquent aux groupes de la même manière que pour les entités individuelles, il faut démontrer sa solvabilité tant collectivement qu'individuellement ;
- un système de gouvernance renforcée : chaque groupe devra mettre en place un système de gouvernance étroitement lié à sa politique de gestion des risques afin de démontrer la coordination du groupe dans les prises de décisions stratégiques ayant un impact en termes de risque ;
- mise en place de fonctions clés et exigences de compétences et d'honorabilité ;
- organisation d'un contrôle interne au niveau du groupe ;
- exigences au niveau de la transmission des informations (reporting) plus importantes.
Bon à savoir : Solvabilité 2 modifie donc notablement le paysage assurantiel français mais la transposition au 1er janvier 2016 de nouvelles normes n'est pas terminée. Ce chantier, déjà en place depuis 15 ans, va se poursuivre au-delà du 1er janvier 2016. Des mesures transitoires demeurent afin de finaliser le nouveau régime prudentiel français.
Impact de Solvabilité 2 sur l'économie
Les liens entre les assurances et les entreprises sont très importants. Modifier les règles de solvabilité impacte directement l'économie au sens large.
En effet, on constate que les sociétés d'assurance investissent dans les entreprises par la prise d'actions ou d'obligations.
Bon à savoir : leur stratégie d'investissement avec Solvabilité 2 va évoluer au regard de l'appréciation des risques de leurs activités et de leur capacité à respecter leurs engagements envers leurs assurés.
Pour approfondir :
- Il existe en France huit sociétés délivrant des contrats d'assurance crédit, dont les trois leaders mondiaux qui occupent une position dominante sur le marché. Pour tout savoir, consultez notre page dédiée.
- Zoom sur l'assurance responsabilité civile professionnelle qui entre dans le cadre de la gestion des risques d'une activité professionnelle ou d'une entreprise.